La
théologie du Pape François
Joseph Kavanagh
L’article de Joseph Kavanagh présente la théologie du pape François comme une théologie incarnée, profondément marquée par son expérience personnelle de conversion et son engagement auprès des pauvres. Inscrite dans l’esprit de Vatican II, elle met l’accent sur la dignité humaine, la miséricorde et une Église réformatrice, solidaire et décentralisée. Plus qu’un système académique, sa pensée se traduit dans un style de vie humble et une ouverture constante à l’autre, qui deviennent les clés de son action pastorale.
Mots-clés : Vatican II, Conversion, Pauvres, Réforme de l’Eglise, Pape François
Dans la liturgie latine célébrant les docteurs de l’Église, l’introït commence par les mots – « in medio Ecclesiae » – nous rappelant que l’Église est le contexte social particulier du croyant. Jorge Bergoglio a appris, particulièrement de sa grand-mère italienne, à aimer l’Église. À sa façon, elle a semé en lui la graine du respect de la religion populaire, qu’il défendra comme un authentique chemin de foi et qui, sans doute, a ouvert pour lui une fenêtre alors qu’il était en compagnie des pauvres et des illettrés du barrio. Dans ces communautés de croyants, il était « au cœur de l’Église ».
Le concile Vatican II a été « un concile comme nul autre » (cardinal Danneels) et a été fameusement décrit par Karl Rahner comme le grand moment ecclésial marquant la fin de l’Église constantinienne. Un tel événement marquant son époque ne pouvait se passer sans bouleversements ni résistances considérables. Quand Jean XXIII a appelé à ouvrir les portes et les fenêtres à une nouvelle relation avec le monde, beaucoup – et il y en a encore – préférèrent l’ancienne Église « retranchée » qui, sous Pie IX, avait acquis un regard pessimiste sur le monde. En effet, de nombreux jeunes d’aujourd’hui ressentent de la colère envers la « génération conciliaire » pour la confusion qui a suivi le concile et rêvent d’un retour aux anciennes méthodes pour rétablir l’ordre ecclésial. La nouvelle ecclésiologie de Lumen gentium et de Gaudium et spes [GS], vigoureusement débattue lors du Concile, a par la suite été soigneusement « gérée » par Paul VI, le pape du Concile, et ses successeurs, Jean-Paul II et Benoît XVI. Beaucoup ont détecté, particulièrement depuis l’avènement de Jean-Paul II, un fléchissement de la direction du Concile et une restauration du centralisme qui y avait été contesté.
C’est alors que Benoît XVI a démissionné et que François fut choisi. Si Vatican II a été le premier concile de l’histoire à avoir une majorité de participants extra-européens, marquant ainsi le caractère mondial de l’Église catholique, l’élection d’un Argentin (le premier pape non européen depuis treize siècles !) est un autre exemple de ce glissement d’une dominante européenne à une Église mondiale. Un frère jésuite, le très révéré cardinal Martini, peu de temps avant la démission de Benoît XVI, avait parlé de l’Église des abondantes Europe et Amérique comme d’une Église « fatiguée et dépassée ». « Comment se fait-il qu’elle ne se réveille pas ? Avons-nous peur ? Sommes-nous emplis de crainte au lieu de courage ? », demanda-t-il. Moins d’un an après la mort de Martini, le pape François nouvellement élu semblait prendre à bras-le-corps le défi de Martini, en alignant clairement sa direction à l’enseignement de Vatican II. « Le concile a été une belle œuvre de l’Esprit-Saint, dit-il le 16 avril 2013, mais après cinquante ans, avons-nous accompli ce que le Saint-Esprit dans le concile nous a demandé de faire ? »
Certains ont comparé François et Jean XXIII et, en effet, tous deux présentent des ressemblances intéressantes. Le passé du pape Jean comme professeur d’histoire et comme diplomate, le ministère pastoral de François à Buenos Aires : chacun porte une expérience de l’Église qui transcende l’étroitesse des frontières culturelles. Les deux sont à la fois théologiquement conservateurs, pastoralement courageux et, apparemment, moins doctrinaires que Jean-Paul II et Benoît XVI. Le courage de Jean XXIII lorsqu’il convoque le concile rencontre la manière avec laquelle François cherche à réformer la curie, un objectif que même Jean-Paul II, le « démonteur » du communisme soviétique, n’a pas réussi à atteindre. Peut-être, plus significativement, Jean et François, sont-ils tous deux conduits par un grand espoir pour l’humanité, espoir dans lequel se situe le ministère de l’Église. Paul VI, dans ses enseignements théologiques, était timide et précautionneux et, dans ses dernières années, accablé par l’anxiété, tandis que Jean-Paul II et Benoît XVI ont ressenti le besoin de façonner l’Église à l’image de leur orthodoxie théologique, étant souvent de ce fait brutalement intolérants à la différence. Le temps nous dira comment l’histoire de François Bergoglio se déploiera mais, à ce stade, le style de sa vie, l’esprit de sa première exhortation Evangelii gaudium [EG] et son impact transcendant toute frontière, rappelle immanquablement les paroles mémorables de Jean XXIII à l’ouverture du Concile :
Il arrive
souvent que dans l’exercice quotidien de Notre ministère apostolique Nos
oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien
qu’enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de
pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la situation actuelle de
la société, ils ne voient que ruines et calamités ; ils ont coutume de dire que
notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés ; ils se
conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, n’avait rien à leur
apprendre [...]. Il Nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec
ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le
monde était près de sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la
société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins
mystérieux de la Providence divine qui, à travers la succession des temps et
les travaux des hommes, la plupart du temps contre toute attente, atteignent
leur fin et disposent tout avec sagesse pour le bien de l’Église, même les
événements contraires [Gaudet mater Ecclesia].
Je crois que la théologie du pape François ne peut être comprise que dans le cadre de ce nouvel ordre des relations humaines, celui d’une anthropologie chrétienne qui imprègne toute sa pensée et transparaît dans son comportement.
La solidarité avec les pauvres expérimentée par Jorge Bergoglio dans les paroisses des bidonvilles de Buenos Aires a eu un effet profond sur l’ensemble de sa façon de penser, ainsi qu’il ressort de ses nombreuses déclarations et, en particulier, de son exhortation Evangelii gaudium. À tous points de vue, sa conversion pastorale prodigua à l’intransigeant provincial jésuite ce que Paul VI a fréquemment appelé un novus habitus mentis, « un nouvel état d’esprit », notion reprise par François (voir EG 188). Son style de vie humble au Vatican, son appel constant à la pauvreté de l’Église, sa colère non dissimulée à l’encontre de l’opulence cléricale et sa considération de la présence d’autrui indépendamment de son statut : tout cela montre clairement que l’option évangélique pour les pauvres est au cœur de sa foi. Sa théologie et, en particulier, son ecclésiologie sont ancrées dans sa hantise de la solidarité avec les pauvres et ceux qui souffrent. En cela, il incarne l’anthropologie du Concile, qui proclame inoubliablement :
Les joies
et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des
pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est
rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en
effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par
l’Esprit-Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un
message de salut qu’il faut proposer à tous [GS 1].
Ce premier paragraphe de Gaudium et spes pourrait servir de résumé à la spiritualité du pape François.
Le concile
Vatican II est le premier concile à élaborer une anthropologie détaillée,
notamment dans sa constitution pastorale sur l’Église dans le monde moderne (Gaudium
et spes) et dans le décret sur la liberté religieuse (Dignitatis humanae
[DH]). Pour une Église dont la foi est incarnée, cette sensibilité tardive à
l’anthropologique peut sembler étrange ; il ne fait cependant aucun doute
qu’elle a été stimulée par l’ouverture nouvelle de l’Église aux modes
séculiers, parmi lesquels, non des moindres, les idées des philosophes
existentialistes tels que Buber, Marcel ou Levinas. Une des dispositions de l’aggiornamento
voulu du Concile est que l’Église se trouverait enrichie et éclairée par le
dialogue avec ces penseurs-ci et d’autres, de différentes religions et
traditions. Les écrits de Jean-Paul II se sont révélés cruciaux dans l’éveil de
l’intérêt pour cet aspect de l’enseignement du Concile, en particulier sa
théologie du corps telle qu’énoncée dans son ouvrage Homme et femme il les
créa[2].
. François n’a pas élaboré une anthropologie explicite à la manière de Jean-Paul II. C’est plutôt quelque chose qui apparaît comme une trame, donnant sens et cohérence à ses propos. Il s’agit moins de conception systématique de l’interdépendance des hommes, donnant sens à la théologie, que d’une expérience de « l’autre », expérience qui est le critère permanent de tout comportement chrétien.
Je ne me
lasserai jamais de répéter ces paroles de Benoît XVI qui nous conduisent au
cœur de l’Évangile : « À l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une
décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec
une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation
décisive » [EG 7].
Dans les quartiers de Buenos Aires et dans sa prière quotidienne avant l’aube, François a rencontré « l’autre », et son monde constitué d’ordre administratif et de certitude théologique a dès lors volé en éclats. Loin d’être un événement de son passé, il voit cette « ouverture » comme une attitude quotidienne et un impératif universel :
J’invite chaque chrétien, en
quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa
rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de
se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a
pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas
pour lui, parce que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le
Seigneur [EG 3].
Cette attention ouverte est la marque de l’anthropologie de François et, comme nous le verrons, elle façonne sa pensée sur l’Église et, en fait, toute sa théologie. Pour lui, la théologie est inséparable de cette spiritualité ; tout système conceptuel théologique lui est subséquent et en dépend.
Le décret conciliaire Dignitatis humanae, alors qu’il porte principalement sur les aspects politiques et sociaux de la liberté religieuse, affirme très clairement la dignité de chaque personne humaine :
La
dignité de la personne humaine est, en notre temps, l’objet d’une conscience
toujours plus vive ; toujours plus nombreux sont ceux qui revendiquent pour
l’homme la possibilité d’agir en vertu de ses propres options et en toute libre
responsabilité ; non pas sous la pression d’une contrainte, mais guidé par la
conscience de son devoir [DH 1].
Un commentateur a remarqué avec ironie qu’il aura fallu bien du temps pour que l’Église croie enfin en l’homme, ce que la révélation attribue pourtant à Dieu et qui se manifeste singulièrement dans l’Incarnation[3]. Jésus croyait dans l’humain, au point de mourir pour nous, et cette croyance en l’humanité est une des caractéristiques dominantes du pape François. Il est particulièrement sensible au rôle de la conscience, ce lieu sacré où chacun assume la responsabilité de sa destinée éternelle, et il reste cohérent lorsqu’il appelle les pasteurs à être compréhensifs et miséricordieux en discernant la moralité de cas individuels. Il nous rappelle que « miséricorde » signifie avoir un cœur pour les pauvres, qu’il s’agisse de pauvreté matérielle ou spirituelle, et il parle de « processus de déshumanisation » qui excluent et négligent les plus vulnérables (EG 51-75).
S’il y a un sens de la destinée dans les paroles de François (voir EG 52), ce qui a imprimé une certaine urgence à ses actions depuis qu’il est devenu pape, il remonte à cette anthropologie de l’ouverture – à l’attention vulnérable pour autrui, au « cœur missionnaire » qui « jamais ne se ferme, jamais ne se replie sur ses propres sécurités, jamais n’opte pour la rigidité autodéfensive. Il sait que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Évangile et dans le discernement des sentiers de l’Esprit, et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route » (EG 45). Cela correspond clairement au sens dynamique de la révélation divine que l’on trouve dans la constitution conciliaire Dei Verbum. À ce propos, Joseph Ratzinger a déclaré peu après le Concile : la révélation divine est « un dialogue authentique qui concerne l’homme dans sa totalité, non seulement stimulant sa raison, mais, comme dialogue, s’adressant à lui en tant que partenaire, lui révélant sa véritable nature pour la première fois[4] ». Cette attention constante à l’autre dans la pensée de François a des implications pour sa théologie : une certaine circonspection face aux systèmes (y compris théologique et ecclésiastique) qui tendent vers la totalité, se fermant à la « nouveauté » de chaque rencontre. Ceux-ci peuvent être simplement des « apparences soigneusement cultivées » qui nous isolent de l’immédiateté de « l’autre ». Au contraire, dit-il, « il est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures » (EG 91).
Il y a, dans cette ouverture dynamique, un certain sens apocalyptique de l’irruption de l’autre. En tant qu’individus et en tant que communauté, nous sommes amenés au seuil du mystère de Dieu-avec-nous, en particulier dans toutes les situations de besoin humain. En langage mystique, c’est l’abîme, le Dieu éperdu de Sophonie dansant frénétiquement (EG 4), l’autre imprévisible qui refuse de se laisser apprivoiser par notre théologie ou nos rituels (voir EG 22), l’Unique qui est au centre de toute vie et la source de toute réalité dont la nouveauté se déploie ; « Jésus Christ peut aussi rompre les schémas ennuyeux dans lesquels nous prétendons l’enfermer [...]. La véritable nouveauté est celle que Dieu lui-même veut produire de façon mystérieuse, celle qu’il inspire, celle qu’il provoque, celle qu’il oriente et accompagne de mille manières » (EG 11, 12).
Un humanisme chrétien authentique qui est en mesure de « courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre » (EG 88), humble devant l’émerveillement de chaque personne, chaque situation, est au cœur de l’esprit d’évangélisation de François. Et c’est seulement à la lumière de cette évangélisation que, selon lui, l’Église a un sens (voir EG 179).
Ecclesia
semper reformanda
Dès le début de son pontificat, le pape François a été perçu soucieux de la réforme de l’Église et, en effet, il est éloquent lorsqu’il évoque le sujet :
Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit
renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures [...]. Plus que
la peur de se tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans
les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous
transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons
tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée... [EG 49].
Les réformes structurelles sont nécessaires et ce, ce manière urgente. En cohérence avec son approche anthropologique, François appelle à la conversion, la conversion du cœur, la plus fondamentale, sur laquelle les réformes structurelles peuvent se construire : « Le concile Vatican II a présenté la conversion ecclésiale comme l’ouverture à une réforme permanente de soi par fidélité à Jésus-Christ » (EG 26). La dynamique de cette conversion est définie par « l’autre », en particulier à travers une solidarité avec les pauvres et les exclus. Sans cette solidarité, toute réforme est futile in fine : « Un changement des structures qui ne génère pas de nouvelles convictions et attitudes fera que ces mêmes structures tôt ou tard deviendront corrompues, pesantes et inefficaces » (EG 189).
La
collégialité et la curie
François lie la conversion de la papauté et de la curie à la nécessité de recouvrer la vision conciliaire de la collégialité, la communion des Églises locales – dont chacune réalise l’Ecclesia Dei – les uns avec les autres et avec l’évêque de Rome. Dès le début de son exhortation, et même dès son discours d’ouverture, alors qu’il s’appelait lui-même « évêque de Rome », le pape François signale son intention de revoir cet enseignement clé de Lumen gentium qui avait été sous-estimé depuis l’intervention de Paul VI à la quatrième session du concile en 1965. Il est clairement mécontent du centralisme qui s’est développé dans l’Église depuis Vatican I et du ton absolutiste qui a marqué certaines déclarations ecclésiales depuis lors.
Je ne crois pas non plus qu’on doive attendre du magistère papal une
parole définitive ou complète sur toutes les questions qui concernent l’Église
et le monde. Il n’est pas opportun que le pape remplace les épiscopats locaux
dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs
territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une «
décentralisation » salutaire [EG 16].
Se référant à l’appel à l’aide de Jean-Paul II pour l’exercice de ses fonctions, François affirme clairement que « peu de progrès » ont été réalisés. De même, en ce qui concerne le désir du Concile de promouvoir les Églises locales, il dit :
ce souhait ne s’est pas pleinement réalisé, parce
que n’a pas encore été suffisamment explicité un statut des conférences
épiscopales qui les conçoive comme sujet d’attributions concrètes, y compris
une certaine autorité doctrinale authentique. Une excessive centralisation, au
lieu d’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique missionnaire [EG
32].
La manière dont ce sens renouvelé de la collégialité se traduit dans la réalité apparaîtra avec le temps et, en particulier, dans la façon dont le synode sur la famille travaillera plus tard cette année. Sans doute le pape sera-t-il influencé par le système « synodal » qui existe dans l’Église orthodoxe (voir EG 246).
« Une
caravane solidaire »
Partant du texte d’Evangelii gaudium, il est possible d’élaborer une ecclésiologie très précise, mais cela sortirait du cadre du présent exposé. Peut-être la remarque formulée au début de son pontificat pointe-t-elle vers sa réflexion sur l’Église, là où il met en garde contre le devenir « autoréférentiel » et contre « un dépassement par la mondanité spirituelle, dissimulée sous des pratiques religieuses, avec des réunions infécondes ou des discours vides » (EG 207). L’Église doit s’envisager comme participant du pèlerinage humain, comme une « caravane solidaire » (EG 87), dans laquelle la confiance et la « “mystique” du vivre-ensemble » remplacent « les comportements défensifs que le monde actuel nous impose » (EG 88).
Nous
devons toujours nous rappeler que nous sommes pèlerins, et que nous pérégrinons
ensemble. Pour cela il faut confier son cœur au compagnon de route sans
méfiance et viser avant tout ce que nous cherchons : la paix dans le visage de
l’unique Dieu. Se confier à l’autre est quelque chose d’artisanal ; la paix est
artisanale [EG 244].
En conclusion, nous pouvons dire que le pape François appelle à la conversion et au désir d’être évangélisé et, par ce biais, élabore une théologie établie sur l’Évangile. Venant de « loin », il apporte une vision et un langage nouveaux à l’Église, l’informant depuis la marge – une méthode qui remonte sûrement à son fondateur.
[1] Traduit de l’anglais par Laurent Mathelot,
op.
[2] JEAN-PAUL II, Homme et femme il les créa. Une
spiritualité du corps, Paris, Cerf, 2004.
[3] L. ORSY, sj, « The Divine Dignity of Human Persons in
Dignitatis humanae », Theological Studies
75/1, 2014, p. 8-22.
[4] J. RATZINGER, « Dogmatic
Constitution on Divine Revelation, Origin and
Background », in Herbert VORGRIMLER (ed.),
Commentary on the Documents of Vatican II, New York, Herder and Herder, 1967-1969, vol. 3, p. 155-198, ici p. 172.